Visiter le site web

Les hameaux et lieux-dits de la région recèlent de nombreuses richesses architecturales et paysagères, souvent connues uniquement des natifs du canton. Petites fermes, étables et granges, puits, silo en bois ou en pierre, écoles de rang, cimetières familiaux, moulins à farine, clôtures de pierre, ponts, sont autant d'éléments modestes qui s'inscrivent dans le paysage et qui constituent des repères de notre histoire locale et régionale.

par Hélène Nadeau,Éditions Continuité, Québec, Canada

photo scabric 001

{loadposition histomrc1}

La mise en place des paysages champêtres du Haut-Saint-Laurent

En 1729, un vaste territoire de 6 lieues de front sur 6 lieues de profondeur, en bordure du fleuve Saint-Laurent à l'ouest de la seigneurie de Châteauguay, est concédé par le roi de France aux frères Charles et Claude Beauharnois de Beaumont ; une partie du l'actuel territoire de la MRC Le Haut-Saint-Laurent devient la Seigneurie de Beauharnois. En raison de la lenteur de son développement et de sa mise en valeur, la seigneurie changera de propriétaire à plusieurs reprises: de Charles Beauharnois en 1750 à Michel Chartier de Lotbinière en 1763 à Alexander Ellice en 1795. C'est sous la gouverne du Seigneur Ellice qu'on voit apparaître les premières occupations du territoire. On occupe en premier lieu les rives du fleuve et les berges de la rivière Chateauguay qui traverse la région d'est en ouest. Si le patron de colonisation du territoire est classique, en revanche, la région se distingue par la diversité culturelle de ses nouveaux venus. Après la conquête britannique de la Nouvelle-France, le territoire est découpé en cantons et ouvert à la colonisation. L'arrivé d'Écossais et d'Irlandais débute vers 1800, parallèle à l'installation d'émigrés américains qui, à la recherche de terres cultivables, traversent la frontière de l'état de New York pour s'installer au pied de la Covey Hill. Ce peuplement anglophone s'est répandu sur l'ensemble du territoire, sauf le long du littoral du fleuve Saint-Laurent ou la colonisation par des habitants canadiens-français avait débuté dès 1789.

La Forêt

Ela guerrentre les années 1760 et 1830, la coupe forestière a transformé les paysages du Haut-Saint-Laurent. Les grandes étendues de forêts composées de majestueux pins et chênes étaient convoitées par la marine anglaise pour la construction navale. Le hameau abandonné de Godmanchester, situé dans la municipalité de Saint-Anicet, témoigne de l'activité forestière du début du XIXième siècle. Aussi appelé La Guerre, ce hameau évoque le nom de François Benoît dit LaGuerre qui, au tournant du XIXe siècle faisait chantier.

En 1823, l'entrepreneur écossais, Alexander McBain et le commerçant dénommé Alexander Ogilvie implantent dans le hameau deux magasins généraux. Le village se développe rapidement et devient le centre régional de commerce du bois et de services divers. Au cours des années 1840, à la suite du déclin de l'industrie du bois, le village est abandonné, laissant derrière un ensemble bâti qui évoque cette tranche de l'histoire du Haut-Saint-Laurent. Parmi ces témoins on retrouve l'ancien manoir McDonald construit en 1837 de style néoclassique. On remarque aussi, juchés sur une butte au milieu d'un pâturage, les ruines de l'église Unie La Guerre ainsi que le cimetière, dont les pierres étrangement dispersées au pourtour du bâtiment témoignent de l'origine écossaise de ses fidèles.

Au fil du temps, l'agriculture et l'exploitation agroforestière ont eu raison de la forêt précoloniale. Dernier témoin à nous être parvenu, le boisé des Muir, dans la municipalité de Hinchinbrooke, constitue la seule forêt précoloniale recensée et protégée. Cette forêt de 11 hectares a survécu parce que la famille Muir, venue d'Écosse, possédait un intérêt peu commun pour la conservation. Les plus vieux arbres ont de 150 à 300 ans. En la désignant Réserve écologique u Boisé-des-Muirs en 1995, le gouvernement du Québec a reconnu le rôle déterminant de cette famille dans la préservation de ce site exceptionnel.

Le paysage architectural

8 Henderson Grist Mill Yv

La puissance hydraulique générée par les eaux des rivières Châteauguay, Trout et des Anglais a motivé l'établissement de moulins et, par la suite la formation de petites agglomérations tels Athelstan, Kensington, Huntingdon, Dewittville, Ormstown, Howick et Saint-Chrysostome. Parmi ces noyaux, Huntingdon et Ormstown ont connu un développement industriel au début du XXe siècle et sont devenus les centres de commerce et de services de la

région. À la fin du Xxe siècle, le village d'Ormstown était reconnu comme le centre de l'industrie québécoise de la brique. Entre 1874 et 1925, on comptait sept briqueteries dans ce village.

OrmstownL'architecture des rues Lambton, Church et Bridge à Ormstown et des rues Châteauguay, King et Prince à Huntingdon évoque l'aisance de ce début du siècle. Bordées d'arbres matures, elles accueillent des maison d'esprit vernaculaire américain et Four Squares où la brique rouge et le clin de bois dominent. Les toits en pavillon présentent

généralement une lucarne en façade et les détails architecturaux témoignent de l'influence aglo-saxonne.

Parmi les nombreux bâtiments du territoire qui présentent un intérêt patrimonial, on note à Ormstown l'ancien poste d'incendie (maintenant l'hôtel de ville), érigé en 1901 dans le style boom town. Ce bâtiment se distingue par sa large corniche, son campanile en façade et surtout l'ancienne tour à boyaux qui fait référence à la fonction d'origine de l'édifice. À Huntingdon, on remarque le premier palais de justice qui servait également de bureau d'enregistrement, classé monument historique en 1984. Dessiné par l'architecte montréalais John James Brown, l'édifice de style néo-classique en pierre de taille a été construit en 1859-1960. Il se caractérise par une façade principale tripartite, des fenêtres à guillotine, quatre cheminées d'angle et un lanternon central.

Au XIXe siècle, les colons britanniques ont érigé leurs maisons de ferme en brique, en bois ou en pierre. Elles sont généralement éloignées du chemin et entourées d'arbres matures. La maison à lucarne-pignon domine le paysage architectural. La lucarne-pignon est habituellement percée d'une fenêtre en plein cintre et généreusement décorée de boiseries. La brique est également présente dans la construction des bâtiments de derme. Elle est utilisée pour la construction du premier étage du bâtiment qui prend appui sur une fondation de pierre.

La Covey Hill, frontière culturelle

coveyhillLa Covey Hill constitue le piedmont des Adirondakcs; elle surplombe la vallée de la Châteauguay à une altitude de 342 mètres. Son nom fait référence à l'américain Samuel Covey, l'un des premiers a s'y établir. Implanté le long du tracé de la 1ere concession, de la route 202 et du chemin Covey Hill, des hameaux se dispersent régulièrement. Quelques-uns de ces hameaux tels Herdman, Rockburn, Bridgetown et Franklin abritent de véritables joyaux architecturaux.

Terres d'accueil d'immigrants irlandais et écossais et de quelques Américains, la région a hérité d'un patrimoine architectural distinctif. Les paysages de la colline traduisent la nature du sol, très rocailleux, qui a motivé l'utilisation de la pierre. Dès la moitité du XIXe siècle, les cultivateurs de cette région ont établi de superbes vergers florissants. Les pierres retirées des champs ont été empilées en murets qui structurent la trame agricole et témoigne d'un long processus de conquête du sol.


Taillée, la pierre a servi de matériau de construction pour les murs des édifices publics, des maisons et les bâtiments agricoles. Parmi les bâtiments de ferme ou d'habitation, qui témoignent d'un savoir-faire et de pratiques locales, on note des laiteries en pierres construites au-dessus de source d'eau naturelle alimentant un système de canaux qui servait à refroidir le lait. Dans la région de Rockburn et Franklin, on retrouve de petits bâtiments appelés ash house. Construits en pierres, ils sont historiquement associés à la production de la potasse et servaient à l'entreposage des cendres domestiques durant la période hivernale. murde pierreLa potasse, obtenue par le lessivage des cendres de bois, était utilisée dans la fabrication de détergents et de savon. À l'époque ou l'Angleterre produit a elle seule près de la moitié de tous les tissus de coton qui se vendus dans le monde, il lui faut de grandes quantités de potasse pour nettoyer et blanchir les fibres. Pour les colons, c'était là un commerce lucratif : entre 1810 et 1825, le baril de potasse, qui représente le travail de deux hommes en un mois, se vend entre 35 et 60$.

Le paysage religieux

Églises et de cimetières hérités de la colonisation écossaise et irlandaise protestante ponctuent le paysage, enrichissent par leur emplacement et leur style architectural le paysage culturel. La région compte 25 églises protestantes. Parmi les plus remarquables, on note l'église anglicane St. Paul (1848) située dans le hameau de Herdman. Toute humble à l'extérieur, elle se révèle une œuvre d'art et métier à l'intérieur. L'église presbytérienne St. Andrew (1904), située dans la ville de Huntingdon, est unique par son style pittoresque romantique. Construite en pierre, elle est abondamment éclairée à l'intérieur grâce à de magnifiques vitaux à motifs géométriques ou qui illustrent de nombreuses scènes liturgiques.

Les cimetières familiaux associés au protestantisme, constituent de magnifiques jardins spirituels. Souvent entourés de murets de pierres, ils sont nombreux le long des routes 202 et de la 1ere concession, dans les municipalités de Hinchinbrook, Franklin et Havelock. Fait à noter, les cimetières écossais de Dundee sont pour leurs parts, entourés d'immenses pins rappelants les conifères de l'Écosse natale des colons.

Photos: Circuit du Paysan

Par leurs gestes et leur mode de vie, Écossais, Irlandais et Français ont façonné et modelé les paysages du Haut-Saint-Laurent. Ces échanges culturels ont permis l'essor de styles architecturaux variés.

Fière de son patrimoine, la MRC Le Haut-Saint-Laurent a adhéré à l'automne 1998 au réseau Ville et Villages d'art et de patrimoine. Avec sa Politique culturelle, adoptée au printemps 2000, la MRC démontre clairement qu'elle entend conserver et mettre en valeur les éléments qui participent à la beauté et à la mémoire de ses paysages.

Pour en savoir plus :
MRC Le Haut-Saint-Laurent
Louis-Maxime Dubois, agent de développement culturel
Téléphone : (450) 264-5411